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Les vilains mots
24 mars 2013

Pressée par le froid, je fouillais mes poches à

           Pressée par le froid, je fouillais mes poches à la recherche de la clef salvatrice. Quand mes doigts se posèrent sur la rondelle de cuir, j'en poussais un soupir de soulagement. Je m'engouffrais dans la pièce surchauffée avec délice coupable, accourais pour fermer la fenêtre, baissais le petit levier du radiateur et m'apprêtais à prendre mes aises quand soudain je sentis un présence inconnue dans le studio. Comment vous dire? Je l'ai sentie, je l'ai ressentie, pas de doute possible, je n'étais pas seule.
Ce ne pouvait être mon infect colocataire, dont la voiture impeccable ne trônait pas devant la porte, m'aveuglant de sa propreté inquiètante et sûrement révélatrice d'un grand désordre intérieur. Mais alors... qui était dans mon appartement ?
         Courage au coeur, je me lançais, et la trouvais. A vrai dire, je l'avais détecté avant même de l'apercevoir, et, sans surprise, je la trouvais tapie dans le seul recoin du studio. Elle se blottisait contre la paroi, comme le fond certaines petites filles derrière les jupes de leurs mères, timides mais aguicheuses.  Elle était cependant fine, brune, harmonieuse mais je déplorais qu'elle n'eût aucun charisme.
        Nous nous regardions en chien de faïence, chacune revendiquant une certaine légitimité: j'étais chez moi, certes, mais elle était une invitée. Pour une invitée, cependant, elle semblait perdue, démunie, et la solitude avait dû lui peser, ça se voyait qu'elle était au fond du trou. Je voulais lui dire de s'en aller pour retrouver enfin la paix et la quiétude solitaire que j'étais heureuse de trouver en arrivant là, mais je n'osais pas. C'était le problème du colocataire, après tout, et c'était à lui de s'en occuper. Alors que faisait-elle, seule, dans cet appartement, alors que son ami était en déplacement? N'ayant nulle envie de respirer le même air qu'elle une seconde de plus, je combattais mon malaise et réprimais une nausée, car la ténébreuse avait mauvaise haleine.

          "Tu sais, j'ai commencé, c'est pas contre toi, mais je voudrais vraiment que tu t'en ailles. Je savais que ce gars était un fieffé connard, mais là, ça dépasse l'entendement. Te laisser là, dans l'appartement que nous avons la bêtise de partager, sans se soucier un instant de ce que tu vas devenir... et se barrer comme ça, c'est inqualifiable. Merde, mais qu'est-ce que tu fous là? Cet impotent n'a plus aucun respect de rien. Mais je suis là maintenant, et, je vais t'aider. Laisse-toi aller, je te donne un coup de brosse, un coup de lingette..."
Je tirais la chasse d'eau et dans un dernier saut de Flipper, l'étron abandonné m'éclaboussait avec gratitude.

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