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Les vilains mots
1 février 2013

Exercice du portrait-charge

S. ou l'employée de la vacuité

     Vous vous levez tôt tous les jours, sauf le dimanche, et vous gravissez la première les marches. Vous allumez toutes les lampes, faites du café pour les docteurs, la dentiste, le kiné, puis enfin pour vous. Finalement, vous prenez place, bien en face du palier, dans votre siège à roulettes, et vous attendez le client.

Ah! comme vou avez l'air charmante, madame la secrétaire médicale !

Nous n'échangeons que trois phrases mais mes doigts me brûlent de vous faire bouffer votre putain de téléphone. Vous êtes typique de la vieille fille ardéchoise: vous ressemblez communément à toutes ces bobonnes disgracieuses avec le cheveu court, et terni, d'une indéfinissable couleur, la moue hargneuse et l'oeil fuyant, mais rageur. Vous reluquez le monde comme si vous étiez parrain dans la mafia, le torse bombé dans une vaine provocation au défi, alors que vous êtes assise derrière une vitrine en carton, à suivre le va-et-vient monotone des enfants enrhumés et des vieillards bouffis d'arthrose.

Le cul magistral posé sur le fameux siège, vous tortillez vos deux petites quilles de jambes et vous avez l'impression d'exister alors que personne ne prête attention à votre pathétique manège. Vengeance, vous répondez au téléphone avec aigreur, vous êtes payée pour cela, alors vous décrochez -aucun contrat ne stipule que vous vous devez dès lors d'être aimable. Vous rembarrez les patients trop enrhumés pour compréhensibles, vous les engueulez d'être encore malades; vous refusez des rendez-vous ou les distribuez dans la minute qui suit, ni plus tard ni plus tôt.

Vous laissez sonner le téléphone presque jusqu'au répondeur, au cas où le patient laisserait tomber, ou bien vous occupez la ligne pour cancaner avec votre mère.

Vous reluquez les jeunes femmes en gonflant votre poitrine, à la manière d'un coq vaniteux mais mal plumé, en vous tenant légèrement en arrière avec un air pincé, rougeaude de fierté. Vous avez une voix coupante, cinglante et vomitive, comme un vent pesant sur l'estomac après les fêtes.

Quincagénaire obsolète et invisible, personne ne vous attend chez vous, à part peut-être Michel Drucker, seul homme de votre vie sans saveur, si l'on exclue les docteurs bedonnants de votre cabinet dont vous vous faites l'esclave, et sur qui, peut-être! vous nourissez quelque fantasme lié à des auscultations incongrues.

Vous puez l'obséquiosité et le savon de Marseille à la lavande, vous puez la sueur d'oignons quand le soleil, audacieux, renâcle ses rayons intrépides sur votre dos mou ponctué des grains de beauté rouges et blancs.  L'odeur infecte de votre transpiration se mêle en d'infâmes relents à celle de la frigisité, du rêve déçu, de l'illetrisme, de la dépression hystérique. Et je ne vous pardonne rien, suppôt de Saindoux, vous qui m'aboyez d'acerbes paroles pour un rien, qui m'observez composez mon code confidentiel de carte bancaire avec vos petits yeux porcins et nerveux, vous qui humiliez les hémorroïdaires, et qui me questionnait sur mes mycoses en public.

       S., vous êtes l'inutile, le superflu, le rebus, et vous le savez si bien... Continuez d'exercer votre dictature. vous crèverez comme tous les dictateurs, seule, et regrettée de personne.

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