Putain, elle est partie la conne.
Elle s’est barrée, elle a bien fait du bruit en plus la conne, je l’ai entendue claquer la porte comme elle fait à chaque fois qu’elle est énervée. Ça va me faire des vacances, tiens. Plus besoin de me farcir ses dîners à la con, avec ses copines estampillées ripolin, et surtout, par-dessus tout, plus besoin de voir la sale gueule emplâtrée de la belle-mère, cette vieille vache frigide. La paix, enfin la paix, manger à l’heure que je veux, pioncer toute la nuit sur le canapé si j’ai envie, boire autant de bières que je veux sans avoir la mégère sur le dos qui balance des ordres comme ça, « Lève tes pieds je passe l’aspirateur! », « Fume pas à l’intérieur! », « Change de chaîne, ce soir c’est PJ! ».
N’empêche, elle m’aura fait chier jusqu’au bout, la conne. Jusqu’au bout elle m’aura reproché d’avoir, gentiment, comme ça, là, recueilli Charly. Eh ouais, elle a pas le cœur sur la main comme moi elle, hein, elle sait pas comment c’est de se faire abandonner dans la rue elle, elle a eu tout qui lui tombait du ciel elle: pof, un diplôme, pof une voiture, pof une maison, heureusement que Papa avait du fric. Ça me tue ça, elle a du fric à en jeter par les fenêtres et elle me fait chier parce que j’ai adopté un chien, un tout petit chien. Je m’en fous moi, que t’aies des puces, que tu pues ou que tu pisses sur les tapis, mon Charly. Moi je t’aime, je sais ce que c’est d’être abandonné dans la rue comme ça.
Puis elle devenait moche, la pauvre, aussi. Ça me faisait de la peine de lui dire, mais putain, oui, elle devenait pas belle à regarder, elle a bien fait de partir tiens, elle doit se sentir belle quand il la regarde, son jeune con. Il est beau, je l’ai vu par la fenêtre, ouais il a de beaux cheveux blonds soignés, il sourit tout le temps comme si c’était le plus beau jour de sa vie et il conduit une Audi TT, il se la joue en plus! Forcément Sylvie c’est un bon parti, il l’a pris pour ça, son fric, et son cul. Le con.
Elle va me manquer quand même, Sylvie. C’est pas que je l’aimais bien, elle était bête à bouffer du foin la pauvre, mais quand même. Elle faisait bien la cuisine, puis elle repassait bien aussi, ça c‘était une bonne femme qui sait tenir la maison. On en trouve plus des comme ça maintenant, avec l’émancipation de la femme et tout, elles sont toutes là, toutes fières, indépendantes comme elles disent, elles pensent que les hommes doivent faire la lessive et tout. Tu parles, je leur ferrais bouffer, la lessive moi. Enfin bon maintenant je vais aller l’emmener chez la voisine la lessive, si je prends l’air d’un pauvre naze et que je lui dit comme elle m’a fait des crasses la mégère, elle va prendre pitié la voisine, quand même.
J’avais pas pensé à ça moi, je vais devoir faire les courses maintenant, moi aussi. Mais que pour moi, ça va aller vite, plus besoin de me faire chier, plus de « légumes bons pour la santé et la forme » comme elle disait l’autre, non, du bien gras que je vais acheter moi, des frites, des cacahuètes, du saucisson, de la saucisse à cuire, de la caillette, du cassoulet, du jambon cru, des tripes, du bien gras, ouais, ça c’est la vraie vie. Je vais faire tellement de friture que ça ferra vomir les voisins, je vais enfin vivre, bon sang! J’aurais plus les gosses sur le dos, papa emmène moi là, papa emmène moi ici, j’ai juste moi à m’occuper, juste moi et Charly.
Juste toi et moi Charly, t’entends? Toi et moi… Tous seuls.
Tout seul.